Une vision d'enfant.
(écrit le 24 septembre 2004)
Au collège, en fin de collège, je crois. Cette vision, cette croyance, ancrée
en moi.
Qu'il faut que comme une sorte de Sisyphe, je subisse ce châtiment
Le châtiment.
Il s'agit d'un parcours, éternel, comme une boucle sans fin.
Il commence par un supplice, dont je ne me souviens plus : percée d'une
flèche, avoir mal, par exemple.
Il se déroule dans un désert de sable et de pierre, un peu comme Mars. Mais le
rouge est teinté de gris. Un désert gris.
Il continue par un autre supplice, puis encore un autre, et encore un autre.
C'est une suite de tortures, de souffrances sans nom et sans fin.
C'est ce qui m'attend, c'est ce que je mérite, pense l'enfant du collège.
L'enfer.
C'est la vie qui m'attend, et je ne sais si je veux de cette vie éternelle
après la mort, que je crois pareille à cette vision. Vision qui n'est autre
que la réalité que je vis alors, mais cela je ne le vois pas.
Mais l'absence de vie éternelle après la mort, l'idée, donc, de la vraie
mort, m'effraie et me terrorise tout autant…
Et ma traversée du désert de pierre étant achevée, je suis arrivée au
rocher qui est le but de cette traversée.
Et aussi son point de départ…Comme Sisyphe, il me faut recommencer.
Le même parcours. Les mêmes tortures. Jusqu'au rocher. Et ça ne finit pas,
ça recommence, tout le temps. Et c'est ça ma vie dans ces moments noirs : un
éternel retour au point de départ de la souffrance. Un éternel retour au
rocher.
Et cette vie là ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est pourquoi quand je
touche à nouveau ce fond, je pense à en finir, oubliant tout ce qu'il y a eu,
depuis, dans ma vie réelle.
Oubliant tout cela parce que dans ces moments-là, ne subsiste que la
souffrance, toujours de retour, cristallisée à l'état pur. Comme dans ma
vision d'enfance.
...
Et je me souviens maintenant, du rocher : celui de cette vision, celui de mon
cauchemar dans lequel mon père est assis dessus comme sur une sorte de trône
et se transforme en ce père destructeur. C'est le même rocher.
Exactement le même.
Et je me souviens, encore, soudain, d'un autre détail : le nom PERRIN,
signifie "la pierre", le rocher.
Et ma plume retrace, ainsi, les traces du mal, décrivant les visions, les
cauchemars ... ces hiéroglyphes, seule mémoire hors ma mémoire, du mal
que me fit mon père, issu de cette famille. La famille PERRIN dont je suis
contrainte, aujourd'hui encore, de porter le nom infamant.